Archives par étiquette : vidéo

Objet : au secours – chapitre 4

-Je te déteste Ed. Non, mais franchement, je te déteste vraiment !

-Je sais, je sais.

Paul s’essuya le front avec la main. La chaleur était étouffante, juin était pénible cette année… Vivement les vacances, que ma famille et moi partions à la mer . On transpirait à mort, mince. Ils pouvaient pas mettre de la clim dans leurs bureaux !?

Mon meilleur ami et moi étions dans le bâtiment de News Daily. Nous étions au beau milieu de la matinée, nous séchions carrément les cours ! Paul était paralysé par la trouille, ses mains tremblaient ; moi j’avais le cœur battant et des fourmis dans les doigts… j’avais une pêche d’enfer !

-Elle est même pas là ! Viens, on se tire pendant que personne regarde, si on chope le métro on sera à l’heure pour le cours de gym !

Je fis la moue. Je connaissais l’aversion que mon meilleur ami avait pour l’éducation physique (un tour de terrain et il faisait de la tachycardie). Ça montrait à quel point il aurait préféré être ailleurs en ce moment !

Nous avions demandé à parler à Camilla Dietrich en arrivant à l’accueil, et on nous avait dit qu’elle n’était pas là aujourd’hui. J’avais insisté pour avoir son numéro de téléphone, parce que nous avions quelque chose à lui dire personnellement, mais la réceptionniste avait refusé. Nous (enfin, c’était surtout moi qui avais parlé) avions demandé si nous pouvions parler à un de ses collègues, ou son patron, elle avait téléphoné à leur bureau. Après avoir raccroché, elle nous avait dit d’aller patienter dans une salle d’attente pas loin, où elle nous avait accompagnés, pour attendre que l’un des journalistes descende.

Du coup nous portions tous deux des badges en plastique où il était écrit « visiteur », chacun un verre d’eau posé devant nous sur la table basse, et nous attendions.

Nous attendions depuis un moment d’ailleurs.

-Ça fait une demi-heure, s’angoissa Paul. Ils ont dû nous oublier. Tu penses qu’ils nous ont oubliés ? Ils nous ont oubliés, viens, on se tire vite fait !

-Mais de quoi tu as peur ? je m’exclamai.

-Qu’on nous rie au nez et qu’on nous fiche dehors ! glapit-il en se levant. J’en ai vraiment marre de tes conneries !

Je voulus l’arrêter, mais déjà il se levait et se dirigeait vers la sortie. Il manqua se prendre de plein fouet le type qui entrait à ce moment précis. Celui-ci lui jeta un regard surpris, Paul en resta tétanisé sur place.

-Ed et Paul ? demanda le gars, l’air méfiant.

-Oui.

Je me mis debout. C’était un homme de vingt-sept ans, il portait un piercing sous la lèvre, avait les cheveux bruns mi-longs et était habillé en jean et t-shirt. Il avait l’air d’être l’archétype du mec relax et cool, mais son regard était très vif. Je le soupçonnais d’être en réalité quelqu’un de très énergique et de malin.

-Salut, je m’appelle Edward. Je suis un collègue et un ami de Camilla. Vous vouliez la voir pour quoi ?

-On aimerait pouvoir la rencontrer… pour lui parler.

Paul me lança un regard angoissé, je déglutis en voyant le journaliste plisser les yeux.

-À propos de quoi ?

-Elle… on doit… On aimerait lui demander pourquoi elle nous a écrit. (Il hausse les sourcils.) Elle nous a écrit. Un mail.

-Pour quelle raison ?

-Pour… écrire un de ses articles. Mais… mais elle ne nous a pas dit quoi .

J’étais vraiment un piètre menteur… Paul sembla encore plus mal à l’aise, de la sueur coulait dans mon dos. Edward me dévisagea longuement.

-Désolé. Elle est pas là aujourd’hui. Revenez un autre jour.

Il allait me tourner le dos et s’en aller, me plantant là, mais je ne pouvais pas m’arrêter là-dessus.

-Vous… vous n’auriez pas son numéro de téléphone par hasard ? Ou… son adresse ?

Mon meilleur ami me fit les gros yeux dans le dos du journaliste, ce dernier devint encore plus méfiant.

-Elle vous recontactera quand elle reviendra. Je ne peux pas vous donner ses données personnelles, ça ne se fait pas.

-On pense qu’il lui est arrivé quelque chose de grave ! je lâchai d’un coup.

Mon pote faillit s’évanouir, le regard du journaliste se fit très perçant.

-Quoi ?

-En réalité, elle nous a envoyé un message –enfin, elle me l’a envoyé à moi– pour appeler à l’aide.

-Quelle sorte de message ? demanda-t-il.

Il avait mordu à l’hameçon, j’avais sa pleine et entière attention ! Même si je le sentais encore très sceptique, il m’écoutait. Je dégainai mon portable et lui montrai le message, puis la vidéo. Son visage se fit de plus en plus grave, il resta pensif un moment.

-Merde, fit-il. Dans quoi s’est-elle fourrée …

-C’est elle sur la vidéo ? je le pressai. C’est bien votre collègue ?

-Oui, je crois. (Il avait l’air inquiet.) Elle porte toujours ce genre de chaussures de chantier crades, et des jeans troués. Et surtout je reconnais le bruit de son appareil photo, il est très caractéristique.

-Vous nous croyez alors !

-Oui… Enfin… C’est étrange, elle n’est pas venue au travail depuis quatre jours, on ne l’a pas vue depuis lundi… alors que c’est une fille très sérieuse normalement. J’ai essayé de l’appeler, elle répond pas. Et… hier, la police est venue pour poser des questions sur elle.

-Vraiment ? je m’étonnai. Quand ?

-En début d’après-midi, pourquoi ?

-Parce que nous leur avons montré cette vidéo il y a trois jours, et ils avaient décidé d’enquêter, mais le fichier a été volé dans leurs bureaux ! intervint Paul. Ils nous l’ont annoncé hier matin. S’ils sont venus vous poser des questions, c’est qu’ils n’ont pas abandonné l’enquête.

-C’est rassurant, je dis.

-Ils ont posé des questions à tout le monde dans le département, nous expliqua Edward. Ils ont voulu savoir sur quoi elle travaillait dernièrement. Ils sont carrément partis avec son ordinateur.

-Sur quoi travaillait-elle ? je le pressai. Est-ce que vous parliez de vos articles entre vous ?

-Ce n’est… C’est pas des choses dont je peux vous parler. On travaille sur des dossiers sensibles. Ça ne regarde pas les gens externes, encore moins quand le dossier est incomplet. Si vous allez répéter partout des informations qui se trouvent être erronées, notre journal se retrouvera dans la merde.

Je me mordis la langue.

-Qu’est-ce qu’on fait alors ? demanda Paul.

-La seule qui possède la réponse, c’est Camilla, je soupirai. Et pour l’instant, elle est introuvable.

Nous restâmes silencieux. Pensif, Edward passa sa main sur sa barbe de deux jours.

-Vous avez cours cet après-midi ?

-Euuuuh, non, je fis, croisant les doigts dans mon dos.

Il haussa un sourcil.

-Vous avez séché pour venir, c’est ça ? devina-t-il, pas con.

-P-pas du tout ! rougit Paul.

Je grimaçai. Ouais, ben on pourrait jamais devenir des criminels internationaux ! Sinon, on se ferait tout de suite griller…

-J’espère que vous vous débrouillez mieux avec vos parents quand vous les baratinez, ricana Edward. Bon, si vous voulez venir chez Camilla, attendez-moi là. Je vais dire à mon chef que je dois m’absenter pour enquêter à l’extérieur. Je reviens dans dix minutes.

Il sortit de la pièce, j’adressai un immense sourire à Paul, qui me fusilla du regard.

-On s’en est bien sorti, tu trouves pas ? je commentai d’un ton badin.

-Je te déteste, Ed.

-Je sais, je sais !

Objet : au secours – chapitre 3

-Comment ça VOLÉE ?!?

Pat secoua la tête, l’air de ne pas en savoir plus que nous. Nous étions dans une des salles de conférence de la police, Pat, Martin, ma mère, Paul et moi. Cela faisait deux jours que nous étions venus leur donner la vidéo et avions fait notre déposition… et ils avaient déjà paumé la vidéo !

-Comment est-ce arrivé ? s’étonna ma mère.

Elle avait décidé de nous accompagner quand nous avions reçu une convocation de la police ce matin. Mon père étant au travail et les parents de Paul cumulant plusieurs boulots, elle était la seule à pouvoir assumer le rôle d’adulte responsable auprès de nous.

Mon meilleur ami avait des préoccupations un peu plus terre-à-terre.

-Ils ont pris seulement la vidéo… ou mon natel aussi ?

-Ils ont tout pris, expliqua Martin, c’est incompréhensible ! Non seulement votre smartphone a disparu, alors qu’il se trouvait normalement en sécurité dans nos locaux, mais également le fichier téléchargé à travers le mail d’Edmund (il me désigna). Toutes les copies effectuées par notre expert, sur lesquelles il avait commencé à travailler, ont été supprimées.

-C’est pas possible ! je m’exclamai. Vous voulez dire que quelqu’un s’est introduit dans vos bureaux ET dans vos serveurs et qu’il a fait le ménage ?

-Apparemment, répondit Pat, soucieuse, et c’est très préoccupant. Il y a une énorme faille dans notre système de sécurité. Nous avons signalé cela aux enquêtes internes, mais on dirait que personne ne sait rien. Qui que ce soit, il est entré chez nous, a pris ce qu’il voulait et s’en est allé sans laisser de traces.

-On est bel et bien les dindons de la farce, admit Martin.

Une fois de retour chez moi, Paul et moi allâmes directement dans ma chambre pour une réunion de crise. Je me mis à faire les cent pas et à râler à voix haute.

-BORDEL ! je m’exclamai lorsque nous fûmes seuls. C’est quand même fou cette histoire ! Pour une fois qu’on découvre un truc un tant soit peu intéressant, il faut que la police nous le paume !

-Je ne pense pas qu’ils s’attendaient à se faire piquer la vidéo, remarqua mon meilleur ami d’un ton docte. Ils avaient l’air plutôt sur les dents…

Il s’assit sur mon lit défait. Il était calme, posé, ce qui ne lui ressemblait pas. Je continuai à marcher de long en large dans la pièce, énervé.

-Ce qui me met le plus hors de moi c’est que cette pauvre Camilla a envoyé cette vidéo à un mec random, elle a choisi une adresse email au hasard, la chance a voulu que j’ouvre son message d’appel à l’aide… On a creusé, on a trouvé et vu sa vidéo, on l’a amenée aux flics, ils nous ont cru, ne nous ont pas foutu dehors… et ils finissent par la paumer ! C’est horrible ! Elle a fait tout ça pour rien !

-Euh, tu ne prendrais pas tout ça un peu trop à cœur ? s’inquiéta-t-il.

-Si seulement on en avait fait un cop…

Je me figeai, m’arrêtant au milieu de ma phrase. Je me tournai vers mon pote, l’œil brillant.

-Quoi ? fit-il.

-Paul ! je m’exclamai. Par pitié, dis-moi que tu en as fait une copie ! (Il prit un air gêné, je sus immédiatement sa réponse.) Oh non. Oh non, c’est vrai. Tu as tout donné. (Je me senti tout à coup hyper abattu.) Évidemment. Et en plus, tu es contre le Cloud. Donc, même si tu as sauvegardé la vidéo sur ton téléphone, elle ne s’est pas sauvée automatiquement sur ton ordinateur… impossible de la récupérer. (Un rire désespéré m’échappa, il me regarda comme si j’étais fou.) Évidemment. Parce que pour toi le Cloud c’est evil, c’est le mal. C’est la NSA qui nous surveille par le Cloud, et le FBI, et la CIA, voire même les Russes et les Chinois ! (Je le pointai du doigt.) Mec, si t’étais pas aussi parano, à l’heure qu’il est on aurait encore une fuckin’ copie ! Merde !

-Je crois que t’as définitivement pété un plomb, Ed. (J’ouvris la bouche pour l’azorer, mais il leva la main pour m’interrompre.) Tu oublies un petit détail… On a menti aux flics.

-Je… Attends, quoi ?

Il me fusilla du regard.

-J’ai plus mon téléphone à cause de toi ! Tu voulais pas dire qu’on a fouillé la boîte mail de la journaliste, alors on leur a fait croire que tu avais reçu la vidéo directement sur ton mail. Ils t’ont demandé de l’effacer et ils ont gardé mon smartphone dernière génération ‒que j’avais reçu pour Noël dernier !

La lumière de l’espoir s’alluma dans mon petit cœur.

-Alors, on a toujours la vidéo ! je m’exclamai, fou de joie.

-Hey ! Je viens de te dire que mon natel s’est fait volé pour rien ! se plaignit-il. (Il me pointa du doigt.) Je considère que c’est de ta faute ! Tu m’en dois un neuf.

-Ouais ouest, OK, d’accord, tout ce que tu veux. Mais dis-moi, pourquoi tu n’as pas expliqué ça aux flics toutes à l’heure ?

Il sembla perdre un peu de sa morgue. Il se mordilla la lèvre inférieure.

-Ben… parce qu’on leur avait menti… Je me suis dit qu’on risquait d’avoir des ennuis si on le leur avouait…

Je me passais la main sur le menton, réfléchissant. Ça m’aurait beaucoup étonné s’ils s’étaient énervés… Je pense que ça les aurait soulagés au contraire, et qu’ils ne nous en auraient pas voulu pour un petit mensonge.

Paul me jeta un regard interrogateur, je gardai le silence. Après une minute, après avoir bien pensé la chose, je lâchai soudain :

-Bon. Il va falloir qu’on enquête de notre côté, je pense.

-Quoi ?!

-Il va falloir qu’on enquête de notre côté.

-J’avais compris la première fois, merci, fit-il d’un ton sarcastique. Est-ce que tu es devenu complètement taré ou quoi ?!

-Je ne me suis jamais senti aussi bien ! (Je m’assis à côté de lui et lui tapotai sur l’épaule pour le rassurer.) Écoute, mec… On ne peut pas laisser cette fille dans la dèche. Ça fait maintenant trois jours qu’on a reçu la vidéo, si ça se trouve elle est en danger. On ne peut pas l’abandonner.

-Mais on ne la connaît même pas ! s’exclama-t-il. Et il y a des chances que cette vidéo soit un canular ! On peut très bien renvoyer la vidéo aux flics avec une fausse adresse email, ils enquêtent, on s’en lave les mains, fin de l’histoire.

Je secouai la tête.

-Je me sentirai mal de faire ça. Mon instinct me dit qu’il faut qu’on la retrouve et qu’on l’aide.

Il soupira.

-Est-ce que ton dévouement soudain envers cette miss vient du fait que tu es tombé sur une photo d’elle par hasard hier ?

Je rougis.

-Pas du tout ! (Il me fixa d’un air peu amène.) OK, elle est mignonne, mais je ne suis motivé que par mon devoir citoyen ! Je… (Je me levai et allais vers la fenêtre. Je regardai dehors.) J’ai envie de résoudre ce mystère. Un homme est mort. Cette vidéo m’a beaucoup marqué. C’était… réel, pas un jeu ou un film, et je n’arrive plus à dormir en imaginant que ses assassins sont en liberté.

-Tu te prends pour Sherlock Holmes ? se moqua-t-il.

Je me tournai vivement vers lui.

-Non. Oui. (J’hésitai.) Peut-être. Bon, on s’y met ?

-S’y mettre ? s’inquiéta-t-il.

-Oui. (J’esquissai un sourire carnassier.) Demain on va rencontrer Camilla Dietrich !

Paul leva les yeux au ciel.